Christophe ROULEAUD : une Humanité vibrante.
Ce qui préoccupe fondamentalement Christophe Rouleaud c’est la question de la condition humaine. Sujet apparemment d’évidence pour qui veut réfléchir quelque peu sur le sens de notre existence. Mais thème bien délicat à mettre artistiquement en forme pour toucher et émouvoir et en même temps provoquer chez le « regardeur » la pensée dans ce qu’elle peut avoir de plus essentiel, de plus philosophique.
Aussi ne s’étonnera-t-on pas, avec de telles préoccupations - dans lesquelles l’esthétique a bien évidemment sa place mais seulement sa juste place - de trouver dans son atelier toute une humanité en marche vers ses
« impossibles étoiles » : des Don Quichotte à la poursuite de ses rêves (au point d’en avoir laissé sur le chemin le brave Sancho pourtant si indispensable à la dialectique du roman), des Icare tentant désespérément et fort peu sagement de se libérer des glaises d’ici bas pour s’éblouir d’une trop grande et mortelle liberté. Mais aussi des mains tendues vers le ciel pour essayer d’attraper le bonheur ou du moins quelque espoir. Ou encore des êtres perdus dans des villes trop grandes ou bien naufragés dans les prisons ferrailleuses des caddies de la consommation...
Bref toute une humanité vibrante en dépit de son décharnement stylistique qui est loin d’être tragique mais qui incite plutôt à lire l’intensité de la pensée plutôt que les émotions pourtant bienfaisantes de la chair. C’est un choix plastique certes, sans doute en un hommage sincère à ce Giacommetti qu’il aime tant, mais c’est surtout pour Christophe Rouleaud une nécessité de sens pour que ses idées prennent forme avec suffisamment de force et que chacun puisse les saisir d’emblée pour peu qu’il regarde l’œuvre avec empathie. C’est donc le contraire d’un travail conceptuel au sens un peu sec et intellectuel du terme tel qu’il est utilisé dans l’art contemporain.
Paradoxalement, dans toute cette glaise d’où Christophe Rouleaud extrait ses sculptures, comme dans les premières lignes de la Genèse au 7ème jour, il arrive à lutter contre la pesanteur primitive du matériau et à lui donner l’énergie de s’élever, ou du moins de tenter de s’élever vers les questions éternelles des civilisations : « D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » ...
Pierre GILLES Commissaire de manifestations d’art contemporain
Jérome Delépine
Les peintures de Jérôme Delépine ne surprennent pas : elles s’insinuent ! Par l’émotion qu’elles dégagent, elles agissent en profondeur. Elles font vibrer en nous des sensations inconnues, mais des souvenirs aussi, et créent de subtiles correspondances. Si on veut bien s’attarder devant une peinture de Jérôme Delépine, la trace du pinceau sur la toile devient trace dans notre mouvement intérieur.
L’atmosphère générale des œuvres de Jérôme Delépine est nocturne ; ses monotypes particulièrement : une matière noire, menaçante même. Avec la peinture à l’huile qu’il utilise en virtuose, la « manière » de Jérôme Delépine est extrêmement moelleuse et l’incertitude quant aux contours des figures font immanquablement penser au « sfumato » d’une certaine peinture classique, voire renaissante ; le « chiaroscuro » (ou clair-obscur) qu’il emploie renforce cette impression.
L’univers de Jérôme Delépine est musical : un mouvement lent, une expression dramatique et les différents ornements qu’il déploie les rapprocheraient également à mes yeux des « nocturnes » de Chopin.
La peinture de Jérôme Delépine, sous ses savants glacis, est une peinture cultivée et certainement a-t-il beaucoup regardé les grands Maîtres. Afin de mieux pénétrer l’univers de Jérôme Delépine, chacun sera sans doute tenté de convoquer alors à ses côtés tel ou tel peintre : peut-être Caravage pour les effets de lumière contrastés, Rembrandt pour l’observation minutieuse et psychologique, ou encore Eugène Carrière pour ses matières lisses et presque monochromes où prédominent les gris et les bruns.
Le regard de Jérôme Delépine est aigu, fin et lucide. Que le sujet soit un visage, un nu ou un paysage — et même dans ses dessins aux traits particulièrement fluides —, il y a du rêve et de l’abandon de soi dans l’art de Jérôme Delépine. Dans ces voyages hors du temps qu’il nous propose, on ne saurait pourtant distinguer si ce « ténébrisme » contemporain est inquiétant ou rassurant : peut-être Jérôme Delépine fait-il la prouesse de conjuguer ces sentiments contradictoires sans les opposer. Au cœur des nuits qu’il nous offre, c’est en effet le lumineux, le pénétrant, le perçant qui étrangement perdure dans la mémoire. Jérôme Delépine est un fin observateur de l’âme humaine et de ce qui la nimbe et l’environne. Et cela n’appartient en propre à aucune époque.
Etienne Yver, 2018
Du mercredi 17 octobre au dimanche 18 novembre 2018
Vernissage Samedi 20 octobre à 18h
Exposition Jérome DELÉPINE et Christophe ROULEAUD
Peintures et Sculptures